Dans la famille Pogba, il y a Paul à Manchester United, Florentin à Saint-Étienne, mais aussi Mathias au Sparta Rotterdam. Le frère jumeau du Stéphanois, 27 ans en août prochain, a accepté de raconter une carrière pas comme les autres à FF.
«Mathias, vous avez rejoint le Sparta Rotterdam l’été dernier. Pourquoi ce choix ? Comment résumeriez-vous votre première expérience aux Pays-Bas ?
C’était la seule option qui s’était présentée, je n’avais pas eu beaucoup d’offre. Je voulais bouger (NDLR : il évoluait jusque-là à Partick Thistle en Écosse) donc dans les derniers jours du mercato, ce sont eux qui étaient le plus intéressés. Pour le moment, je me sens super bien. Je me suis malheureusement blessé une semaine après mon arrivée. Mais depuis mon retour, tout se passe bien. C’est un bon Championnat pour les attaquants, pour se montrer. Même si je ne démarre pas tous les matches en tant que titulaire (NDLR : il a honoré sa première titularisation le 5 mars dernier). Les décisions, c’est le coach qui les prend. Mais quand j’ai joué, j’ai fait les choses qu’il fallait.
Vous qui avez beaucoup vadrouillé, pensez-vous avoir trouvé un peu de stabilité ?
Je pense oui. Je suis au bon endroit pour tenter de franchir un niveau supérieur. Pour l’instant, ma carrière est faite de hauts et de bas, avec beaucoup de blessures, d’obstacles.
Par exemple ?
Des mauvais choix, un mauvais management, un manque de confiance de mes entraîneurs. Et donc les blessures, parfois de longue durée. Par exemple, à la fin de la saison 2013, j’ai été touché à la cuisse, ça m’a éloigné des terrains pour trois mois. En revenant, lors du dernier match de pré-saison, je me suis de nouveau blessé au genou. Cette fois pour six mois…
Diriez-vous que vous n’avez pas eu beaucoup de chances jusque-là ?
Non, pas du tout. Dans tout ce que tu fais, il y a du bon et du moins bon à prendre. C’est l’expérience. Je garde toujours le positif. Je ne suis pas frustré. J’ai commencé très bas, et quand je regarde où j’en suis, je suis fier de moi. Je continue à travailler pour aller encore plus haut.
«On me voit comme un grand, costaud, adapté au jeu britannique»
Bien sûr. À l’époque, c’est un ami de ma mère qui connaissait un agent local qui nous avait expliqué qu’une journée de détection avait lieu. Paul venait de signer au Havre. Avec Flo, on y est allés et on a été pris au bout de deux jours. C’est là-bas que j’ai beaucoup progressé mentalement et en tant que footballeur, tactiquement et techniquement. J’ai aussi beaucoup mûri. Ces deux années ont été très importantes. L’Angleterre a aussi été une grosse partie de ma carrière. Ce sont de bons souvenirs, surtout à Crewe Alexandra (NDLR : en D3, il a inscrit dix-sept buts en Championnat en deux saisons) où j’ai joué mes deux meilleures années. J’ai passé plus qu’un palier. C’est à partir de là que j’ai obtenu ma première sélection internationale (NDLR : avec la Guinée, face au Mozambique, le 24 mars 2013). J’ai aussi connu une finale à Wembley (NDLR : EFL Trophy, compétition qui se dispute entre les équipes de League One et League Two) où on a gagné même si je ne l’ai pas joué. Je me suis blessé juste avant, c’était dur.
Le football britannique est-il un football qui vous correspond davantage ?
Je le pensais. Mais finalement je ne le vois pas comme ça. J’imaginais que le jeu direct à l’anglaise était fait pour moi. On me voit comme un grand, costaud, adapté au jeu britannique, mais non. Cette étiquette m’a un peu collé à la peau là-bas. Surtout que, derrière, l’expérience à Pescara ne m’a pas aidé. Heureusement, l’un de mes anciens coaches m’a appelé pour me faire revenir en Angleterre (à Crawley Town). Ça m’a permis d’enfin avoir du temps de jeu.
L’Écosse vous a également permis de vous épanouir ?
«Ma carrière, c’est un chemin de soldat»
J’aime voyager. Le fait d’enchaîner les pays ne m’a jamais fait peur. J’ai grandi plus vite que prévu avec toutes ces destinations. Ça ne me dérange pas du tout. Je me suis toujours dit que ce n’est pas la peine de rester dans un club si je sais que je n’aurais rien en retour. Mieux vaut aller voir ailleurs à ce moment là.
Angleterre, Italie, Écosse, Pays-Bas : la France ne s’est jamais présentée à vous. Y a-t-il déjà eu une opportunité pour y signer ?
Je n’ai jamais eu de touche en France, on ne m’a jamais appelé. Mais je ne le regrette pas vraiment. Après le Celta, je suis passé par Quimper, mais j’ai été blessé.
Comment avez-vous envie de qualifier tout ce chemin parcouru ?
Pas du tout. J’ai des buts à marquer d’abord. Ensuite, on verra.
Le haut et le très haut niveau, ça vous semble loin ?
Je vais y arriver ! J’en suis sûr. D’ici deux ans, j’aimerais bien arriver à jouer une compétition européenne par exemple. Je sais qu’on m’a toujours appelé le troisième (Pogba), celui qu’on entend le moins, mais je sais ce que je fais, je bosse pour. Tout le reste, Internet, les journaux, ça ne m’atteint pas.
Il n’y a jamais eu une once de jalousie de voir vos frères dans la lumière et pas vous ?
(sincère.) Jamais. Je ne serai jamais jaloux de mes frères. Ils me donnent plus de force que vous ne pouvez l’imaginer.
Le fait que vous arriviez à faire carrière tous les trois aujourd’hui était-il inimaginable lors de votre enfance ?
À la base, on a commencé par le ping-pong, on s’est même inscrit dans un club. J’ai été champion de France benjamins. Florentin a été champion de Seine-et-Marne et d’Ile-de-France. Ensuite le foot est arrivé. Aujourd’hui, de temps en temps, si on se trouve une table, on s’y remet.
Dans cette quête de faire carrière dans le foot, quelle a été l’importance de vos parents ?
Ils nous ont toujours suivis dans ce qu’on voulait faire. Sans oublier l’école, même si on n’était pas très fans… Et c’est très important car ce ne sont pas tous les parents qui te suivent dans tes envies. Ils ont compris que ça devenait petit à petit une priorité pour nous.
Une famille très soudée qui a connu un tournant quand Paul part au Havre et que vous vous envolez pour Vigo avec Florentin en 2007…